Le management en crise ?

A l’évidence, on n’entraine plus les générations Y et Z comme on commandait leurs parents. Fini le vertical. Place au management-coaching. C’est la victoire de Mary Parker Follett qui, dès les années 1920, préconisait de passer d’un «power over » à un « power with ».

Le management en crise ?
Le management en crise ?

Dans cette évolution, il y a le meilleur : la prise de décision collective, le raccourcissement des circuits, la valorisation du capital humain, perçu comme l’une des clés de la performance individuelle et collective. Mais dans ce management contemporain comment ne pas reconnaître certains excès ? Ce sont à eux que s’attaquent l’économiste Nicolas Bouzou et la philosophe Julia de Funès dans un essai au vitriol, « La comédie (in)humaine ».

Pour nos deux auteurs, tout concourt à parasiter l’énergie créative de l’entreprise : l’usage illimité des process, la réunionite, le powerpoint qui claustre les débats, l’usage immodéré des mails destinés à laisser des traces écrites pour se couvrir…

Ce management moderne - c’est la conclusion alarmiste du livre - s’apparenterait à une «tyrannie inefficace», contraire aux conditions de la réussite : l’audace de l’initiative, le goût de la liberté, le respect de l’autonomie, le courage de la responsabilité. En somme, l’entreprise ne serait plus pensée comme une aventure mais gérée comme une bureaucratie. 

La charge de Nicolas Bouzou et Julia de Funès est frontale, excessive, mais cet essai nous donne à réfléchir. Constatons-le, le monde de l’entreprise n’a pas coupé aux clichés de la Silicon Valley, ni échappé au méli-mélo des analyses sociologiques et comportementales. Le management s’est sophistiqué, modernisé, mais n’a-t-il pas, en chemin, perdu en sobriété et en efficacité ?

Revenons à quelques principes fondamentaux.

D’abord le sens. À l’image de nos sociétés occidentales, le monde du travail est en recherche de perspectives. Cette quête est au cœur des stratégies RSE et elle nourrit l’actuel débat ouvert par la loi Pacte sur la « raison d’être » des entreprises Ce qui est sûr, c’est qu’il faut plus qu’un storytelling sur papier glacé pour entrainer une équipe vers l’avenir.

Le management en crise ?

 

Cette capacité d’entrainement renvoie aux qualités intemporelles du leadership : la vision de long terme qui élève et justifie les efforts quotidiens, la légitimité qui est la récompense des résultats obtenus, la mobilisation et l’épanouissement des collaborateurs, mais aussi l’autorité. De nos jours, cette autorité ne se décrète plus. Elle s’incarne, cherche à impulser et non à caporaliser.

N’en déplaise à l’I.A, le leadership n’est pas une science exacte. C’est le fruit d’une alchimie humaine mêlée de rationalité mais aussi de sentiments. Le charisme et la passion communicative du chef d’entreprise et de ses cadres demeurent les clés de l’engagement collectif.

Ces deux vertus ne s’apprennent pas dans les livres. Notre système de formation est-il adapté aux qualités requises pour être un bon leader ? Dans le pays de Descartes où l’on préfère la théorie à la pratique, où la moitié des dirigeants du CAC 40 sortent de nos grandes écoles et où le big CV précède le soft skills, cette question n’est pas incongrue…

Il est certain que la force d’entrainement des responsables est d’autant plus reconnue qu’elle s’ancre dans une expérience de vie qui a fait ses preuves. De là nait la confiance, elle qui est si capitale à l’efficacité du groupe.

Pour l’ancien chef d’Etat-Major des armées, Pierre de Villiers, « la confiance est la valeur clé, l’aboutissement de l’exercice de l’autorité. Quand on est chef, l’adhésion doit l’emporter sur la contrainte. C’est ce que j’appelle l’obéissance d’amitié : on est suivi parce qu’on est aimé ». Le commandement d’un régiment n’est pas comparable à celui d’une entreprise mais il existe un point commun : la motivation est aussi une affaire de cœur !

« Qu’on me donne l’envie d’avoir envie », hurlait Johnny dans son micro… A l’origine de chaque entreprise il y a un rêve un peu fou qui devient projet. Il appartient aux dirigeants de faire en sorte que ce rêve soit partagé par tous - en premier lieu par les cadres ! - et que ce rêve ne s’étouffe pas sous le poids des procédures bureaucratiques. Cette aptitude à entretenir et démultiplier la flamme, à fixer un cap, à susciter fierté et sens au travail des salariés distinguent les gestionnaires des managers-leaders.