Patrick Plein, Head of digital working and academy chez Vinci : « L’expérience candidat va être essentielle dans la façon de recruter »

Le recrutement des cadres, et notamment des ingénieurs, donne du grain à moudre aux entreprises. Et pour cause, la hausse se confirme encore cette année. C’est notamment le cas de Vinci qui prévoit plus de 10 000 recrutements en 2019. Pour en parler, nous échangeons avec Patrick Plein, head of digital working and academy au sein du groupe.

Patrick Plein, Head of digital working and academy chez Vinci
Patrick Plein, Head of digital working and academy chez Vinci

Quels sont vos besoins de recrutement ?

 

Patrick Plein : Il s’agit là d’une vaste question pour nous, car notre groupe est très décentralisé et notre approche n’est pas globale. En revanche, nos besoins sont importants ! En France, le groupe Vinci a réalisé plus de 10 000 recrutements en 2018, et la tendance sera vraisemblablement la même en 2019. Nous avons de forts besoins à tous les niveaux, des ingénieurs aux techniciens et ouvriers.

 

À quelle problématique êtes-vous confronté?

 

Patrick Plein : Le marché est clairement en forte tension. Nous le voyons bien, nos concurrents ont les mêmes besoins. Mais nous devons également faire face à une nouvelle forme de concurrence issue des entreprises émergentes, et de plus en plus de métiers se transforment ou se digitalisent, en informatique principalement et dans le secteur de l’ingénierie, tout le monde ne se destine pas au BTP. Les startups attirent ces jeunes profils. C’est donc un vrai challenge de bien recruter.

Comment répondez-vous à ces tensions ? Quel rôle joue la marque employeur ?  

 

Patrick Plein : Notre marque employeur joue un rôle essentiel ici effectivement. Nous communiquons de manière à nous différencier tout en restant authentiques, à l’image de notre campagne « vous serez bien chez nous ». Le message ici est le suivant : chez Vinci, on ne cherche pas des compétences techniques, mais des personnalités, des personnes souvent jugées « trop » quelque chose, trop audacieuses, trop curieuses, par exemple. Cette approche est tout à fait fidèle à l’état d’esprit de Vinci. Je veux dire que cela n’est pas nouveau. Notre travail sur la marque employeur n’a fait que le révéler.

Chez Vinci, nous valorisons depuis longtemps l’autonomie, la responsabilisation des collaborateurs, nous préférons les hommes au système. Nous avons un groupe à forte intensité managériale. Cela fait vraiment partie de notre ADN. Et c’est clairement autour de cet ADN que nous avons forgé notre marque employeur. Cela rejoint un peu le propos d’Alexandre Pachulski. Dans son dernier livre, Unique, il explique l’importance que les profils « atypiques » auront dans les années à venir. En France, nous sommes encore dans un recrutement très traditionnel, mais demain j’en suis convaincu, ces profils trouveront davantage leur place face à l’évolution rapide des métiers.

Commet aujourd’hui le service formation et le service recrutement travaillent-il de pair chez Vinci ?

 

Patrick Plein : Encore une fois, nous sommes une entreprise décentralisée donc il n’existe pas un service de formation. Nous avons beaucoup de responsables formations, ainsi qu’une dizaine d’académies internes. Historiquement dans nos métiers, le développement des compétences est essentiel et constant, à toutes les strates de l’organisation. Cela fait des années qu’à l’échelle du groupe, nous investissons dans la formation, avec un budget de plus de 100 millions d’euros par an. Nous sommes très attentifs au développement des compétences des individus parce qu’ils sont dans des métiers qui le nécessitent. Dans nos métiers, chaque projet est en quelque sorte un prototype. Il y a toujours de nouvelles compétences à acquérir.

La formation chez Vinci est donc un mouvement fort et durable, y compris en période de crise. En revanche, ce que nous constatons aujourd’hui, c’est qu’il faut accélérer le mouvement grâce à la formation digitale notamment. Aujourd’hui, ce sont près de 30 000 collaborateurs qui suivent nos modules de formation sur notre plateforme d’apprentissage en ligne lancée il y a deux ans. Plus largement, l’enjeu est de faire en sorte que toute situation soit une situation d’apprentissage. C’est le grand retour des organisations apprenantes nées il y a 25 ans. Aujourd’hui l’environnement général, en particulier la transformation digitale, fait que les organisations doivent de plus en plus développer les compétences de leurs collaborateurs, et le faire de plus en plus rapidement. Le challenge qui se profile, c’est comment rendre les organisations davantage apprenantes. Le digital et les nouvelles technologies dans la formation nous aident, mais ce n’est pas exclusif, c’est lié aussi à la manière de manager par exemple.

Comment parvenez-vous à créer l’engagement, l’envie d’apprendre ?

 

Patrick Plein : Nous utilisons un réseau social interne qui est véritablement un outil de social learning. L’idée est de mettre les collaborateurs en réseau. Pour ce faire, nous avons développé en interne une plateforme soutenue par la technologie de Microsoft. Aujourd’hui, nous souhaitons donner un grand coup d’accélérateur parce que Microsolft a enrichi son offre, et nous allons créer un programme d’accompagnement pour la prise en main de cet outil, justement pour stimuler l’envie de l’utiliser. L’enjeu consiste en fait à acculturer les collaborateurs à ces technologies. C’est un vrai changement d’habitude, de comportement qui nécessite de l’accompagnement.

 

À quoi va ressembler le recrutement selon vous cette année?

 

Patrick Plein : Le recrutement va être beaucoup plus social parce que les nouvelles technologies révolutionnent nos façons de recruter, mais aussi beaucoup plus individuel. Le challenge pour les entreprises sera de créer la sacro-sainte expérience candidat qui va être essentielle dans l’acte de recruter.

Nous allons devoir quasi personnaliser le recrutement pour que chaque candidat se sente « unique », pour reprendre les propos d’Alexandre Pachulski. Cette approche de proximité va être une tendance qui selon moi ne peut que s’accélérer.